mercredi 30 avril 2008

Mai 68 et la Marine Marchande

Mai 1968. En entendre parler de plus en plus même en n'étant pas en France, ce n'est pas toujours intéressant. Mais il est arrivé que ce le soit. Nous sommes encore en début Mars, mais tous les "anciens" sont déjà en train de commémorer 68, avant même le prochain joli mois de Mai! C'est dire qu'ils se sont beaucoup amusés, ça au moins c'est sûr!
(le 4 février 2008 & re-édition le 1er Mai 2008, tout naturellement)
Tel est aussi l'Air du Temps Maritime et soixante-huitard.

Le Grand-Charles ici en tenue de combat, 68 plus dur qu'en 40...
Pour lui, les Marines Marchande et Militaire étaient des priorités.

Mettre en difficulté le Grand-Charles qui constata lui-même ne plus être "dans le coup", ça c'était fort! Trop jeune malgré mes cinquante ans, j'estime ne pas avoir réellement vécu ça, pas beaucoup plus que les "ados" des années 2000. Cela dit avec le recul du temps, j'ai un peu l'impression que ce fut d'abord une très grosse farce jouée par le bon peuple de France, surtout par ses étudiants et ses ouvriers, à la classe dirigeante. Mais il n'y a pas eu que ça!

Héritages des années 60, jeans et minijupe, à l'époque symboles de modernité.
(aujourd'hui de banalité ou de classissisme)

Ce serait oublier qu'il s'est passé cette année-là un certain nombre de révoltes un peu partout dans le Monde. Il est même souvent arrivé que cela soit tragique comme au Mexique ou en Tchèquo-Slovaquie. En France par contre, ce fut d'abord une espèce de crise délirante, au cours de laquelle beaucoup de jeunes gens qui s'emmerdaient ont deviné que l'heure était venue de se dérider mutuellement les fesses, ou d'obtenir une mémorable augmentation de salaire...

La TV des années 60 retrouvée sur la vaste toile

Il est de bon ton aujourd'hui de mettre sur le compte de cet ensemble de révoltes étudiantes et ouvrières, toutes les dérives de la société française des années 1990 et 2000. Je crois que c'est une profonde erreur, d'autant que finalement il ne s'est pas passé grand-chose au-delà du sociologique! Sauf ça c'est sûr, en économie la secousse fut sérieuse. Nous savons cependant que cela aurait pu se terminer fort mal en France aussi.
Les évènements de Mai 1968 en France ont semble-t-il commencé un peu bêtement, à partir des troubles occasionnés à Nanterre par des manifestations de protestation contre une interdiction faites aux jeunes filles, de recevoir chez elles des jeunes gens dans les locaux de la Cité Universitaire.
C'était un peu "cornecul", il faut bien le dire. Le printemps sans aucun doute. A cela se sont ajoutées des tas d'occasions de protester à propos de tout et n'importe quoi, à tort ou à raison selon les cas. C'était dans l'air du temps pour le mieux comme pour le moins bien.

Emblème des années de splendeur maritime, les "60". On ne le présente plus celui-là...

Le meilleur livre que j'ai lu sur le sujet sans doute, fut écrit en 1975 (date à vérifier) par quelqu'un qui avait ce qui s'appelle un "poste-clef" et très difficile à Paris. Il ne cacha d'ailleurs pas s'être fait quelques cheveux blancs sur le moment. En effet beaucoup de choses étaient en train de se réunir pour que cela se termine fort mal. Cet évènement multiple nous laisse aussi des souvenirs beaucoup plus douloureux que les ricanements de Daniel Cohn Bendit.

En prenant sa retraite, le grand préfet récidiva.

"En Mai, fais ce qu'il te plaît..." de Maurice Grimaud, le Préfet de Police à Paris durant cette période, mission très délicate entre toutes. Ayant comparé sa version des faits avec beaucoup d'autres "sons de cloches", je suppose que nous lui devons beaucoup. Tout autre que lui en étant responsable de "faire la police" à Paris, risquait fort de ne pas s'en sortir aussi bien, c'est à dire avec aussi peu de conséquences dramatiques.
Nous avons oublié la violence de certaines manifestations, qui auraient pu fort bien (si j'ose dire) se terminer de façon sanglante. On oublie aussi qu'à l'époque ils ont eu de la chance, beaucoup de chance que le Préfet de Police de Paris n'était plus le même qu'en 1967. En effet le prédécesseur de Maurice Grimaud se nommait en effet Maurice Papon...

Le préfet Maurice Papon, par qui le terme "préfet" pouvait faire peur.

Ce dernier est devenu célèbre pour ses brillantes prestations en tant que très jeune Secrétaire Général de la Préfecture de Bordeaux durant l'occupation. Papon était en effet un spécialiste des "voyages organisés" vers la "solution finale du problème juif". Très astucieux, ce dernier "jouait" sur les deux tableaux en entretenant des contacts avec la Résistance. Cela lui a permis de sauver et "booster" une longue carrière de haut fonctionnaire, en particulier en tant que Sous-Préfet puis Préfet en France et en Algérie.
Dans au moins un des départements français que constituait l'Algérie, il s'est particulièrement "distingué". Pour résumer la carrière de Maurice Papon, partout où il passait il y avait des morts... C'est même arrivé à Paris, lors de la fameuse manifestation des Algériens de l'Ile de France le 17 octobre 1961. On mesure donc la chance qu'ont eu Paris et ses manifestants qu'il soit parti "travailler" ailleurs avant Mai 1968. C'est bizarre, on ne parle jamais de ça.
En matière Maritime ce qui s'est passé est moins connu. D'une façon générale, 1968 fut aussi une époque de révolution technologique. Par exemple le brise-glace Lenine, premier navire nucléaire civil conçu pour le service commercial. "Au commerce", le nucléaire n'a pas eu beaucoup de "suites" car c'est trop cher et trop sophistiqué. Il faut en effet à bord des spécialistes en plus, et pas "n'importe qui". Il faut aussi les trouver... Même la Marine Nationale en 2008 a du mal à les faire former, c'est dire.
Il me semble aussi que remuer les souvenirs de Mai 68 comme le font nos brillantes élites est un peu risqué pour elles. Même si "on" prend grand soin d'éviter de rappeler aux plus jeunes d'entre nous ce qui s'est passé de réellement plus intéressant cette année-là. En ces temps d'appauvrissement généralisé des années 2000, les plus jeunes devraient savoir que Mai 68 ne fut pas qu'une belle farce d'étudiants....

Etudiés et construits entre 1968 et 70 le Kangourou et le Korigan
pour les Messageries Maritimes.
Ils furent les premiers grands porte-conteneurs français.

Peu à peu la grogne s'est transformée en une très mauvaise humeur généralisée dans tous le pays avec pour résultat un cumul impressionnant d'immenses grèves presque partout. Pour obtenir la reprise du travail, le patronat a dû céder joyeusement. Ainsi après s'être fait peur, le bon peuple de France a obtenu le rétablissement de l'ordre, accompagné par l'augmentation du salaire minimum.
Un "vieux croco" de mes amis m'a rappelé il y a peu, qu'à la suite des fameux accords de Grenelle, (les vrais) le SMIC est passé de 400,00 Francs/mois de l'époque à environ 1000 Francs/mois. Bien sûr il y avait l'inflation à l'époque, mais ça n'enlève pas le bon!
- N'est-ce pas que beaucoup de jeunes en 2008 aimeraient voir leur revenu mensuel ainsi évoluer? C'est peut-être à eux de jouer, au lieu d'assister béatement aux commémorations de 68 initiées par "Dany le rouge" devenu vert, Daniel Cohn Bendit, politicien Franco-Allemand grand farceur entre tous. S'ils attendent que les amis de Denis Gautier Sauvagnac et du baron "Seillère m'as-tu vu" se montrent généreux...

La vraie révolution réalisée fut technologique:

Le bananier Biafra, typique des années soixante n'avait pas la "BLU" et encore moins un "satcom", sa machine n'était pas automatisée et il n'était pas pensable d'y embarquer des conteneurs. Bien sûr, il n'y avait pas de PC ni de calculatrice à bord! Friaucourt, chronomètre, écoute du "top horaire", sextant, règles à calcul et tables de log "seulement"... J'ai oublié de citer le radar (unique) dont l'antenne tournante était en "peau d'orange" et les bobines tournaient autour du col du tube cathodique, j'ai connu un des derniers radars du genre...
Mais pour les Marins, c'était quoi Mai 68? Lorsque je naviguais c'était un sujet presque tabou à bord. En effet on en a fort peu parlé, sauf en "petit comités" de fin de soirée sur l'aileron de passerelle ou dans une cabine, devant quelques bières. Mais même ainsi, j'en ai su fort peu de choses.
Pour résumer à propos de la Marine Marchande et Mai 1968, je sais surtout 2 choses avec une solide certitude. Une bonne conséquence d'abord, puis une mauvaise. J'ai en effet parfois entendu évoquer quelques anecdotes difficiles à vivre ou insolites, dont il sera question ici un peu plus tard...
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Symbole de l’Ecole "Hydro" de Nantes, l’Ecole Nationale de la Marine Marchande
Avant Mai 1968 toute l'organisation, le travail et les conditions de vie des élèves dans les Ecole Nationales de la Marine Marchande étaient extrêmement strictes pour ne pas dire, totalement militarisés. Après Mai 68 les écoles "Hydro" sont devenues des hautes écoles techniques presque comme les autres. Je ne crois pas que ceci soit particulièrement négatif, bien au contraire.
Toute la France avait à l'époque besoin de se desserrer les fesses, et c'est arrivé en matière d'Enseignement Maritime presque comme pour les autres. Qui va s'en plaindre? Sinon qu'il est aussi arrivé que les choses aillent "un peu loin", les excès appelant facilement leurs "contraires".
Montage d'un moteur Sulzer de PC. Le principe reste le même, mais son équipement de surveillance et de conduite fut "révolutionné" dès 1968

C'est aussi en 68 que les premiers navires automatisés du monde sont rentrés en service, pour des armateurs Français. Plus de quart "en bas" (à la machine) en dehors des "heures ouvrables"! Et quelques pingouins de moins à bord, car là était le but recherché... En 68 les armateurs Français rêvaient du navire sans mécanicien à bord, comme une voiture on ne soulèverait pas souvent le capot. En 2000 on n'y est toujours pas arrivé, même (ou surtout) avec l'informatisation!
En 2100 peut-être verrons nous le navire sans équipage! On en reparlera peut-être. C'est peu connu du grand public, quelques essais de ce genre ont été réalisés en 68 et durant les années 1970. Quelques navires ont en effet traversé "seuls" la mer du Japon. Ce fut sans grand intérêt car peu fiable et trop cher! "On" ré-essaiera plus tard.

Local radio dans les années 1960 (Pierre Escaillas)

En 68 les premiers essais de radiotéléphonie BLU furent réalisés à bord de quelques cargos des Chargeurs Réunis, avec Saint-Lys Radio bien sûr. Contrairement à leur belle avance technologique "à la Machine", les Français étaient en retard sur les autres en matière d'équipement radio. Ailleurs on pensait au radio-télex TOR, pas en France.
En mer ou à quai, à bord des navires en général par contre, je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé! Donc je compte sur vous pour me le dire, il faut donc m'écrire ici (en commentaire) ou bien avec l'adresse e-mail car la Marine de Mai 68 est restée presque totalement Inconnue. Ensuite, j'en ferai ici quelque chose. Qu'on se le dise et qu'on me le dise aussi! J'ai donc réservé cette adresse e-mail spécialement pour cet usage.
Je veux bien être pendu s'il n'y a rien à raconter sur cette période!

Ferries des années 1960 à Dieppe les Valençay et Villandry

Voici donc pour introduire le sujet, ce que j'en sais:
De nombreux navires Français furent immédiatement bloqués à quai par les grandes grèves en passant en France. Ceci aurait eu pour principale conséquence que les Armateurs Français se seraient mutuellement concertés pour faire en sorte que jamais les navires ne reviennent "escaler" en France, tant que tout ne serait pas "rentré dans l'ordre"... Ceci peut en effet se comprendre...
Certains d'entre nous seraient donc restés embarqués beaucoup plus longtemps que prévu normalement, loin du pays et de leur famille de surcroît et par conséquence, durant et à cause de ces évènements. Je conçois donc aussi que la période de Mai 1968 dans la profession, n'ait pas laissé que de bons souvenirs...

Bien navicalement - Thierry Bressol - R/O

A propos de Wikipedia mon complice

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Symbole de l’accueil du site

Les Marins sont toujours disciplinés, mais pas sans limite...

Citation tirée d'un site disparu de la vaste toile:

"Les révoltés des journées de Mai 68 eurent une vraie chance, d'avoir en face d'eux le préfet de police Maurice Grimaud. Ce serviteur de l'Etat subtil était un fin lettré doublé d'un passionné d'art contemporain. En bon connaisseur de dada et du surréalisme, il sut prendre la mesure réelle d'événements qui étaient bien davantage l'expression libertaire d'un besoin d'expression que les prémices d'une insurrection introuvable (et pour cause) qu'on cherche à nous refourguer depuis bientôt 40 ans.
La panique chez les barons gaullistes au plus fort de la crise fut un grand moment "hellzapoppiniens" de la république gaullienne. Au final s'il y eut quelques blessés parfois gravement des deux bords et qu'un seul mort (accidentel) fut à déplorer, c'est en grande partie grâce à la gestion habile du préfet Grimaud."

Chez Tallandier: Je ne suis pas né en mai 68 (Souvenirs et carnets, 1934-1992)
"Le nom de Maurice Grimaud est attaché aux journées de Mai 1968. De fait, le préfet de police fut alors l’une des pierres angulaires de la république qui vacillait. L’agenda quasi quotidien qu’il a tenu cette année-là et qu’il livre ici intégralement donne la mesure d’une lucidité et d’un sang-froid développés au long d’une existence originale et d’une carrière exceptionnelle, qui l’ont conduit de la khâgne du lycée Henri-IV et de la fréquentation des écrivains jusqu’à la direction du cabinet de Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation dans les années décisives de 1981-1983. Quel que soit le poste qu’il a occupé, Maurice Grimaud s’est toujours signalé par une certaine idée de la personne humaine et par un goût affirmé de la chose écrite. Et comme il a connu beaucoup de ce qui a compté, de la fin de la IIIe République jusqu’à aujourd’hui, son récit, nourri de portraits, d’anecdotes et de réflexions, constitue, comme l’écrit Michel Winock, « une source précieuse de notre histoire contemporaine », tout comme un grand morceau de littérature."
"Maurice Grimaud n'était pas tombé de la dernière pluie... de pavés."
Fin de citation. Ils "en rajoutent" un peu! Mais c'est ça quand-même.

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